Covid 19 et loyers professionnels : être ou ne pas être secourus par le Gouvernement (partie 1).

Publié le 15 Avr, 2020

Partie 1/3

De très nombreuses entreprises sont financièrement impactées par la crise sanitaire du covid-19. Les établissements recevant du public interdits d’ouvrir du jour au lendemain comme les bars et les restaurants subissent une perte sèche de chiffre d’affaires couplée d’une trésorerie en péril. Pour d’autres entreprises c’est le ralentissement des commandes – voire l’arrêt de celles-ci – qui cause une crise de trésorerie à court et moyen termes.

Malgré cette situation exceptionnelle causée par le coronavirus, les charges fixes et périodiques – comme les loyers – continuent de courir et sont désormais difficiles à supporter sans mettre en péril la continuité de son activité.

Pour autant les loyers restent pleinement dus malgré la période actuelle.

Certaines TPE peuvent toutefois s’appuyer sur la loi du 23 mars, l’ordonnance du 25 mars et le décret du 31 mars 2020. Mais qu’en est-il réellement ?

Les mesures d’aides qui pouvaient être attendues

La loi n°2020-290 du 23 mars 2020, dite loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, a notamment habilité le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance toutes mesures « permettant de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures, au bénéfice des microentreprises, au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique, dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie ».

Les termes de la loi d’urgence permettaient donc de penser que les microentreprisesmoins de dix salariés et ayant un chiffre d’affaires annuel ou un total de bilan n’excédant pas deux millions d’euros – pourraient bénéficier de mesures visant à reporter ou étaler les loyers et charges assimilées ainsi que de mesures visant à neutraliser les conséquences d’une défaillance de paiement.

Les textes pris en application de cette loi sont finalement bien plus restrictifs.

Les mesures d’aides accordées

L’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19 a finalement limité le périmètre de l’aide accordé aux mesures visant à neutraliser les conséquences d’une défaillance de paiement.

Dès lors, les entreprises éligibles au dispositif d’aide, n’encourent pas pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives.

A noter, les entreprises éligibles ne sont aucunement exonérées du paiement des loyers et des charges.

Les entreprises éligibles

Le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, lui-même complété par le décret n° 2020-394 du 2 avril 2020, a indiqué que le fonds de solidarité, et par conséquent les mesures applicables aux locaux commerciaux, ne concerneraient finalement que les entreprises ou groupes d’entreprises :

  • comptant au maximum dix salariés
  • et ayant un  chiffre annuel inférieur à 1.000.000 d’euros
  • et un bénéfice annuel imposable inférieur à 60.000 euros sur le dernier exercice clos 
  • et qui soit subissent une fermeture administrative ou soit ont subi une perte de chiffre d’affaires de plus de 50% au mois de mars 2020, par rapport à mars 2019.  

De nombreuses TPE et, a fortiori les PME, sont donc exclues du dispositif d’aide.

Il existe en outre des dispositions particulières à certaines situations comme par exemple l’application dérogatoire du dispositif aux entreprises ayant déposé une déclaration de cessation des paiements au 1er mars 2020.

Les interrogations qui subsistent

Au-delà de la portée très relative du dispositif prévu par le Gouvernement, les textes pris soulèvent plusieurs interrogations et sont, selon notre lecture, sources d’une insécurité juridique forte et, de toute évidence, de nature à entraîner des contentieux complexes à l’issue incertaine.

Parmi ces interrogations, certaines d’entre elles retiennent d’ores et déjà notre attention.

Quid de l’appréciation des seuils d’éligibilité ? Comment apprécier concrètement la condition de baisse comparée du chiffre d’affaires de 50% entre les mois de mars 2019 et mars 2020 ? Qui s’en fera juge ? Les bailleurs doivent-ils se reposer sur les simples déclarations de leur locataire ? Quid en cas de passage en force d’un bailleur malgré les demandes légitimes du locataire – un contentieux sera-t-il économiquement supportable ? Quid des conséquences postérieurement à l’état d’urgence de loyers échus et non réglés en cours de période « protégée » ?

Les locataires devront apprécier finement l’opportunité de se prévaloir du (maigre) dispositif entériné par l’ordonnance du 25 mars 2020, avec tous les risques que cela comporte dans leur relation avec leur bailleur.

Les bailleurs devront être particulièrement vigilants et réactifs en cas de défaut de paiement des loyers dans la période : une réponse appropriée devra être apportée au cas par cas.

Compte tenu de ce qui précède, nous sommes certains que la meilleure solution reste la voie de la discussion amiable entre les locataires et les bailleurs, le dispositif gouvernemental devant rester supplétif.

La deuxième partie de cet article traitera des autres solutions à envisager, tant pour les entreprises éligibles au dispositif gouvernemental que pour les entreprises qui ne le sont pas.

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