Un véhicule de fonction constitue un avantage en nature qui ne peut être retiré unilatéralement par l’employeur – la brève

Publié le 15 Jan, 2021

Dans un arrêt du 2 décembre 2020 (19-18.445), la Cour de cassation rappelle quelques fondamentaux regardant les véhicules de fonction, les avantages en nature, la rémunération ou encore le droit disciplinaire. Si l’arrêt de la Cour de cassation est classique, il permet toutefois de revenir sur plusieurs notions essentielles que tout entrepreneur se doit de connaître. Un entrepreneur averti en valant deux, retour rapide sur ces quelques règles.

Le contexte de l’affaire

Un salarié disposait contractuellement d’un véhicule, son contrat précisant que la réalisation de prestations s’effectuerait « à l’aide de véhicules fournis par la société ». Un avantage en nature était valorisé sur les bulletins de salaire pour un montant de 218,03 euros.

L’employeur a unilatéralement décidé de supprimer la mise à disposition du véhicule tout en réintégrant la valeur de l’avantage en nature au salaire brut mensuel du salarié.

Le salarié a toutefois refusé de restituer le véhicule et son employeur l’a licencié pour faute grave considérant que son refus relevait d’une contestation de son pouvoir de direction.

Le salarié a saisi le Conseil de Prud’hommes pour contester le caractère réel et sérieux de son licenciement.

La juridiction prud’homale et la Cour d’appel donnent raison au salarié : l’employeur ne pouvait pas unilatéralement retirer le véhicule mis à disposition de son salarié.

L’employeur se pourvoit en cassation : selon lui, le véhicule mis à disposition était un véhicule de service qui avait été attribué dans l’exercice de son pouvoir de direction et, dès lors, le refus de le restituer était constitutif d’une faute grave.

La Cour de Cassation confirme la position de la Cour d’appel.

Les fondamentaux à connaître

Cet arrêt permet de revenir sur plusieurs notions essentielles.

La différence entre modification des conditions de travail et modification du contrat de travail.

Le salarié se trouve tenu par un lien de subordination à l’égard de son employeur. Celui-ci détient donc, pour pouvoir assurer la bonne marche de l’entreprise, un pouvoir de direction qui lui permet de fixer, et le cas échéant de modifier, les conditions dans lesquelles son salarié doit effectuer son travail sans avoir à recueillir son accord.

Pour certaines modifications, l’employeur est toutefois tenu de recueillir au préalable l’accord de son salarié.

Il existe ainsi deux types de modifications : celles qui peuvent être faites sans l’accord du salarié qui relèvent des modifications relatives aux conditions de travail et celles qui ne peuvent pas être faites sans l’accord du salarié qui relèvent d’une modification de son contrat de travail.

De manière très synthétique, l’employeur est tenu de recueillir l’accord de son salarié lorsqu’il entend modifier la durée du travail, l’emploi du salarié, sa rémunération ou encore, dans une certaine mesure, le lieu de travail.

Attention : toutes les modifications portant sur l’une de ces thématiques ne sont pas nécessairement constitutives d’une modification du contrat de travail du salarié nécessitant au préalable son accord. Par exemple, l’annualisation des temps de travail via un aménagement pluri hebdomadaire n’impose pas de recueillir l’accord du salarié. A contrario, certaines modifications ne relevant pas directement de l’une de ces thématiques peut obliger l’employeur à recueillir le consentement préalable de son salarié comme par exemple lors de l’insertion en cours de vie contractuelle d’une clause d’exclusivité.

Le droit disciplinaire attaché au refus du salarié d’une modification de ses conditions de travail ou de son contrat de travail

Le salarié qui refuse une modification de ses conditions de travail, i.e. qui résulte de l’exercice par l’employeur de son pouvoir de direction, s’expose à une sanction disciplinaire.

Il s’agit d’une cause réelle et sérieuse de nature à justifier un licenciement.

Le refus d’un salarié du changement de ses conditions de travail ne constitue pas nécessairement une faute grave étant rappelé que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. L’employeur confronté au refus d’un salarié d’une modification de ses conditions de travail devra alors apprécier avec prudence la nature de la faute à retenir.

Lorsque le salarié refuse une modification de son contrat de travail, i.e. qui relève de l’un des piliers essentiels du contrat, l’employeur ne peut pas sanctionner directement le refus du salarié.

Cela ne signifie pas pour autant que l’employeur ne peut pas licencier son salarié. Par contre, il devra justifier d’un juste motif de licenciement qui sera le plus souvent un motif économique (la modification du contrat se justifiant par exemple pour préserver la santé de l’entreprise).

Attention : il existe une procédure et un formalisme spécifiques à respecter en cas de modification du contrat pour motif économique

La rémunération constitue l’un des piliers de la relation contractuelle liant un employeur à son salarié

La rémunération est un élément essentiel du contrat qui ne peut pas être modifié, ni dans son montant ni dans sa structure, sans l’accord du salarié.

L’accord préalable et express du salarié s’impose que la modification lui soit défavorable ou favorable.

A noter : la jurisprudence a pu atténuer le principe dans certains cas particuliers en matière de primes ou de frais professionnels. Il est également possible de procéder à des aménagements en matière de rémunération sans avoir à recueillir l’accord du salarié par le biais d’un accord de performance collective.

La distinction entre un véhicule dit « de service » et un véhicule dit « de fonction »

L’employeur peut mettre à disposition de l’un de ses salariés un véhicule appartenant à l’entreprise.

Ce véhicule peut servir uniquement pour les besoins du service et n’être utilisé qu’à des fins professionnelles (le véhicule est alors dit « de service ») ou il peut également être utilisé par le salarié dans sa vie personnelle (le véhicule est alors dit « de fonction »).

Dans le cas d’un véhicule de fonction, qui peut donc être utilisé par le salarié à des fins personnelles pour ses déplacements privés, le véhicule mis à sa disposition constitue un avantage en nature qui doit être évalué et dont le montant est réintégré à la rémunération du salarié.

Le raisonnement à tenir dans le contexte de l’affaire

Le véhicule mis à disposition du salarié était un véhicule dit « de fonction », l’avantage en nature en résultant étant réintégré au salaire mensuel brut du salarié (il ne pouvait donc y avoir de débat sur la nature du véhicule).

En ce sens, il constitue un élément de rémunération

La rémunération, qui est l’un des piliers contractuels, ne peut pas être modifiée sans l’accord du salarié ni dans son montant (ce qui n’était pas le cas dans cette affaire puisque le montant de l’avantage en nature supprimé a été réintégré au salaire) ni dans sa structure (ce qui a été le cas dans cette affaire puisque la rémunération du salarié était constituée d’un salaire et d’un avantage en nature puis, après la suppression, du seul salaire).

Le refus du salarié de restituer le véhicule ne pouvait donc pas justifier un licenciement sur ce seul motif.

CQFD.  

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