Révision des accords collectifs de forfaits jours : attention à la chronologie !

Publié le 13 Nov, 2019

Les conventions individuelles de forfaits jours conclues dans l’entreprise doivent prendre racine dans un accord collectif.

La loi travail du 8 août 2016 a consacré la jurisprudence qui s’était peu à peu dessinée dès 2011 : les accords collectifs sous-jacents aux conventions individuelles de forfait jour doivent désormais faire état des modalités d’évaluation et de suivi de la charge de travail.

Les conventions de forfaits jours prises sur la base d’un accord collectif non conforme (i.e. un accord qui ne respecterait pas les règles établies en matière de charge de travail) encourent la nullité.

Le législateur a néanmoins prévu des leviers de sécurisation des forfaits jours parmi lesquels la révision de l’accord collectif.

L’article 12 de la loi du 8 août 2016 prévoit en effet que les conventions individuelles de forfait sont valides – et se poursuivent sans l’accord du salarié – dès lors que l’accord collectif est révisé pour être mis en conformité avec la loi.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 16 octobre 2019 (18-16.539), vient de préciser que la révision des accords collectifs non conformes doit être intervenue postérieurement à la loi travail. A défaut, la convention individuelle encourt toujours la nullité.

Le contexte, une convention de forfait conclue sur la base d’un accord collectif non conforme à la loi travail mais révisé en 2014

Un salarié a conclu une convention de forfait en 2011 sous l’empire de la Convention Collective Nationale des hôtels, cafés et restaurants (HCR) du 30 avril 1997 et plus précisément sur le fondement de l’avenant n°1 à cette CCN en date du 13 juillet 2004.

Il demande la nullité de sa convention de forfait au motif que l’avenant de 2004 ne respecterait pas les prescriptions établies en matière de charge de travail.

La Cour de cassation s’était en effet déjà prononcée sur l’absence de conformité de cet avenant en matière de charge de travail.

Pour l’employeur, l’accord critiqué avait été révisé par avenant en 2014 et, selon lui, cette révision respectait les dispositions applicables en matière de charge de travail. Dès lors, la convention de forfait était parfaitement valable, l’accord sous-jacent étant l’accord révisé en 2014.

La règle posée par la Cour de cassation, la révision de l’accord doit être postérieure à la loi travail

La question était donc la suivante : une convention individuelle de forfait conclue sous l’empire d’un accord collectif non conforme aux dispositions relatives à la charge de travail peut-elle éviter l’annulation si l’accord collectif a fait l’objet d’une révision antérieurement à l’entrée en vigueur la loi travail ?

Plus simplement, le levier de sécurisation offert par la loi travail trouve-t-il à s’appliquer aux révisions antérieures à cette loi ?

La question pourrait également être posée différemment : dans quelle mesure l’accord collectif applicable au moment de la signature de la convention de forfait – accord non conforme – peut-il se voir substitué par un avenant postérieur ?

Pour la Cour de cassation le levier de sécurisation ne vaut que pour la période postérieure à la publication de la loi travail.

L’accord collectif applicable à une convention de forfait demeure celui qui était applicable au moment de la signature du contrat avec le salarié, sauf si cet accord collectif a été révisé après la loi travail afin d’être mis en conformité avec ce texte.

Dès lors, dans le cas présent, l’employeur ne pouvait pas se prévaloir de l’avenant de 2014 : la convention individuelle conclue sur le fondement de l’accord collectif non conforme encourt donc la nullité.

Concrètement, certains de vos salariés sont-ils actuellement au forfait ?

Si votre entreprise a aménagé les temps de travail de ses salariés par le biais de conventions individuelles de forfait, vérifiez la validité de l’accord collectif sous-jacent c’est-à-dire celui qui était applicable au moment de la signature de la convention de forfait !

Si cet accord n’est pas conforme et qu’il n’a pas été révisé depuis 2016, il est toujours possible d’en prévoir la révision.

A défaut de le pouvoir – par exemple s’il s’agit d’un accord de branche – vous pouvez toujours conclure un accord d’entreprise spécifique parfaitement conforme aux prescriptions légales.

Les accords d’entreprise peuvent déroger aux accords de branche.

STRATEGIA accompagne d’ailleurs régulièrement des entreprises pour structurer et sécuriser des accords d’entreprise au plus près de leurs enjeux opérationnels. La question des temps de l’aménagement des temps de travail est au cœur des préoccupations des entreprises structurées ou en phase de structuration.

Enfin, le législateur a prévu un autre levier de sécurisation : l’article L3121-65 du Code du travail prévoit en effet qu’en l’absence de dispositions conventionnelles concernant la charge de travail l’employeur peut, pour assurer la validité des conventions individuelles de forfait en jours, mettre lui en place des procédures internes pour évaluer et suivre la charge de travail. Si les prescriptions du code du travail sont scrupuleusement suivies, les forfaits ne pourront pas être annulés.

Le droit du travail est complexe mais des solutions existent. Il est toujours préférable d’éviter des contentieux inutiles : travaillez votre conformité sociale, vous sécuriserez votre entreprise et vous développerez votre marque employeur !

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