Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision en date du 14 janvier 2022 (Décision n° 2021-962) portant sur la constitutionnalité du paragraphe I de l’article 150-0 A du Code général des impôts (CGI), et dont nous avions déjà étudié la question prioritaire de constitutionnalité.
Les sages ont décidé que les dispositions précitées étaient bien conformes à la Constitution et qu’en conséquence il n’y avait pas lieu de retenir une rupture du principe d’égalité devant les charges publiques.
D’après les requérants les dispositions attaquées ne prévoient pas la possibilité pour le contribuable d’obtenir la réduction de l’imposition acquittée sur une plus-value de cession de valeurs mobilières lorsqu’une partie du prix de cession n’a pas été effectivement versée par le cessionnaire.
Pour rappel, il s’agissait du cas d’une cession dans laquelle avait été négocié un crédit-vendeur. Or, le bénéficiaire n’en avait réglé qu’une partie, étant défaillant financièrement. Les requérants se sont ainsi retrouvaient dans une situation particulièrement inique où ils ont dû s’acquitter d’un impôt sur les plus-values de cession fixé sur le prix à l’acte sans l’avoir encaissé pleinement.
Selon ces requérants il aurait fallu que soit pris en compte les sommes effectivement encaissées. À défaut et selon eux, l’égalité devant les charges publiques seraient méconnue au même titre que leur capacité contributive.
Les dispositions objets de la question :
« 1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l’intermédiaire d’une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1 ° de l’article 118 et aux 6 ° et 7 ° de l’article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l’impôt sur le revenu.
« 2. Le complément de prix reçu par le cédant en exécution de la clause du contrat de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux par laquelle le cessionnaire s’engage à verser au cédant un complément de prix exclusivement déterminé en fonction d’une indexation en relation directe avec l’activité de la société dont les titres sont l’objet du contrat, est imposable au titre de l’année au cours de laquelle il est reçu.
« Le gain retiré de la cession ou de l’apport d’une créance qui trouve son origine dans une clause contractuelle de complément de prix visée au premier alinéa est imposé dans les mêmes conditions au titre de l’année de la cession ou de l’apport.
« 3. (abrogé)
« 4. Les sommes ou valeurs attribuées en contrepartie de titres pour lesquels l’option pour l’imputation des pertes a été exercée dans les conditions du deuxième alinéa du 12 de l’article 150-0 D sont imposables au titre de l’année au cours de laquelle elles sont reçues, à hauteur de la perte imputée ou reportée ».
Le Conseil constitutionnel n’a pas tenu compte de l’argumentation des requérants et il fait bien la distinction entre le prix fixé à l’acte qui constate le transfert de propriété et les modalités de paiement qui n’ont pas à être retenue pour calculer l’imposition.
D’abord, il est rappelé le principe selon lequel la perception d’un revenu ou d’une ressource est soumise à une imposition, et que celle-ci doit être acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource.
Ensuite, il est évoqué la jurisprudence constante du Conseil d’État qui veut que la date à laquelle la cession doit être regardée comme réalisée est celle à laquelle s’opère le transfert de propriété, indépendamment des modalités de paiement et des événements postérieurs à ce fait générateur.
En effet, le Conseil constitutionnel vient appliquer la jurisprudence du Conseil d’État qui reprend le raisonnement civiliste préconisé par le rapporteur public : la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé » (art. 1583 du Code civil). À la date de la vente, le contribuable cédant a donc acquis une créance certaine à l’égard du cessionnaire et dont il peut disposer librement.
Immuable au regard des impôts le jour où le transfert de propriété est constaté, la plus-value de cession imposable ne saurait être altérée par des évènements postérieurs comme l’encaissement partiel d’un prix de cession. Au Conseil de décocher la dernière flèche sur les motifs des requérants en évoquant que le choix d’accorder un crédit-vendeur aux cessionnaires relève d’une parfaite liberté contractuelle et qu’en aucun cas une défaillance du bénéficiaire du crédit-vendeur ne saurait affecter la fixation du prix au moment du transfert de propriété. En clair, les impôts n’ont pas à subir la maladresse contractuelle de cessionnaires qui ne se sont pas protégés normalement contre une défaillance de leur cocontractant.
En conséquence le Conseil constitutionnel considère que les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe d’égalité devant les charges publiques et confirme la constitutionnalité de l’article 150–0 A du CGI.
Comme nous l’avions déjà préconisé dans notre précédent article, il est utile de prévoir dans les actes de cession des mécanismes de garanties permettant de s’assurer d’un paiement ou d’un recouvrement effectif de la créance sur le prix. Se prémunir contractuellement de ces hypothèses permettra d’éviter de subir une double peine (paiement de l’impôt et défaillance de son débiteur).