Un nouvel arrêt du Conseil d’Etat en date du 16 novembre 2022 (n°462278) a apporté une précision quant à la portée des explications écrites qui pouvaient être rendues par le supérieur hiérarchique d’un vérificateur.
Confrontant un marchand de biens ayant opéré une livraison à soi-même, l’administration fiscale, dans le cadre de la vérification de comptabilité, a remis en cause la déductibilité de la TVA. C’est par proposition de rectification contradictoire, confirmée par une réponse aux observations du contribuableque des rappels de TVA et les pénalités afférentes étaient exigés. Or, le contribuable ayant en cours de procédure de vérification exercé un recours hiérarchique auprès du supérieur du vérificateur, a analysé la réponse écrite de ce dernier comme ayant modifié la base légale de la proposition de rectification.
Il portera ainsi son litige devant les juridictions administratives considérant la procédure comme irrégulière puisque le redressement opéré n’a pas pris en compte la modification des bases légales.
Le Tribunal administratif puis la Cour administrative d’appel ont donné raison au requérant. Saisie par le Ministre de l’Economie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, le Conseil d’État a rejeté cette analyse en répondant par la négative à la problématique posée suivante : les réponses écrites du supérieur hiérarchique peuvent-elles modifier les bases légales inscrites dans la proposition de rectification ?
La modification de la base légale des rectifications impose une notification d’une nouvelle proposition de rectification…
La Cour administrative d’appel avait considéré que les réponses écrites du supérieur hiérarchique et de l’interlocuteur interrégional avaient modifiés la base légale du redressement opéré.
La Cour en avait donc déduit que la procédure d’imposition avait été irrégulière faute d’une nouvelle proposition de rectification mentionnant ces nouvelles bases légales.
En effet, et le Conseil d’Etat le rappelle, les articles L. 57 et R.57-1 du Livre des procédures fiscales consacre la règle qui impose que si une première proposition de rectification est adressée au contribuable mais, qu’avant mise en recouvrement, l’administration modifie la base légale des rectifications, elle doit, à peine d’irrégularité de la procédure d’imposition en informer le contribuable par la notification d’une nouvelle proposition de rectification.
C’est là, ni plus ni moins, rappeler les droits du contribuable en cette matière qui doit être nécessairement informé de la motivation de la rectification, condition substantielle pour pouvoir se défendre et respecter le principe du contradictoire.
C’est fort des réponses écrites obtenues dans le cadre de recours hiérarchique exercé au cours de la procédure de vérification que l’argumentation du contribuable a pu prospérer jusqu’en appel. Les explications données par le supérieur hiérarchique du vérificateur pouvaient être considérées comme ayant modifié les bases légales des rectifications opérées.
Or, le Conseil d’Etat rejettera cette argumentation et cassera sur ce point l’arrêt d’appel.
… mais les explications écrites données par le supérieur hiérarchique ne modifie pas la base légale des rectifications
Il est ainsi rappelé dans l’arrêt que nous commentons ici, qu’un recours hiérarchique n’est qu’une faculté offerte au contribuable pour obtenir des éclaircissements supplémentaires auprès du supérieur hiérarchique du vérificateur.
Pour comprendre cette position, il faut revenir aux fondements de ce qu’est un recours hiérarchique dans le cadre d’une procédure de vérification de comptabilité ou d’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle.
Le recours hiérarchique est issu de la Charte des droit et obligations du contribuable vérifié, et permet à tout contribuable vérifié d’échanger sur les difficultés relevées au cours du contrôle avec le supérieur hiérarchique du vérificateur.
Il s’agit là d’une garantie substantielle qui ne saurait être refusée au contribuable par l’administration. Le non-respect de cette garantie peut d’ailleurs entraîner l’irrégularité de la procédure et l’annulation des rehaussements d’imposition.
Bon à savoir : le recours hiérarchique n’interrompt pas les opérations de contrôle.
Néanmoins, le Conseil d’État juge que les réponses apportées par le supérieur hiérarchique ne sont aucunement de nature à se substituer à la proposition de rectification. Tout ce qui est dit ou écrit par le supérieur hiérarchique dans le cadre de ce recours ne peut pas être retenu pour comprendre éventuellement une modification de la base légale de la proposition de vérification.
Cet arrêt démontre la volonté de conserver la portée presque simplement pédagogique du recours hiérarchique. Ce dernier n’a finalement pour fonction que de permettre d’établir un dialogue moins formel entre le contribuable et l’administration par rapport aux échanges d’arguments réalisé dans le cadre de la procédure de vérification.
En somme, le recours hiérarchique n’est qu’un débat et rien d’autre qu’un débat. C’est la prévention du contentieux qui est visé dans le recours hiérarchique (ndlr. expliquer au contribuable la position de l’administration) et non la possibilité pour le contribuable de faire modifier la position de l’administration. Pour qu’il fasse entendre ses arguments il faut qu’il se présente devant un juge dont l’office sera de juger la légalité de l’imposition et de la procédure de vérification.
Il faut comprendre ici que le recours hiérarchique dans les procédures de vérification ne saurait être utilisé pour modifier la proposition de rectification qui suit un formalisme distinct.
C’est strictement ce qui est contenu dans la procédure de rectification qui compte en matière de contentieux fiscal.
Formuler un recours hiérarchique reste néanmoins intéressant dès lors que face à des propositions de rectifications pouvant être obscures, il paraît parfois utile de solliciter le supérieur hiérarchique du vérificateur pour mieux comprendre le redressement fiscal et ses raisons, quitte à utiliser les informations recueillies dans sa défense.