Après la percée du « Bitcoin », nombreuses ont été les crypto-monnaies qui ont emboité le pas pour viser un même succès, comme l’« Ethereum » ou encore “PAX Gold”. Actuellement, plus de 200 crypto-monnaies existent.
Aujourd’hui, ce sont les NFT (“non fongible token” – jetons non fongibles) qui ont le vent en poupe et qui deviennent le centre de l’attention des investisseurs.
Avec la technologie « blockchain » pour fondement technique, les acteurs de ce nouveau « paradigme économique » ne sont pas courts dès qu’il faut discuter et exposer les raisons d’une vraie révolution, selon eux, dans le monde des actifs monétaires. Les adeptes des crypto-actifs y voient en effet un formidable outil de création de richesses “hors-système”. Au contraire les détracteurs de cette nouvelle classe d’actif y voient un engouement de purs spéculateurs, sur des actifs sujets à une très forte volatilité dans un contexte très peu réglementé.
Une certitude dans ce domaine : les crypto-actifs n’ont pas fini de faire parler d’eux et de bousculer l’ordre établi.
D’autant, les gains réalisés ne peuvent être ignorés et ont naturellement étaient sujets à une appréhension juridique et fiscale.
Juristes et fiscalistes ont donc analysé ce nouvel objet de Droit pour trouver son cadre juridique et déterminer le régime fiscal applicable.
Désormais, c’est le législateur, dans la dernière loi de Finances pour 2022, qui prend position et propose un alignement de la fiscalité des crypto-actifs sur les opérations de Bourse.
Les positions bientôt dépassées de l’administration fiscale et du Conseil d’État
Que l’on puisse s’interroger sur la légitimité d’une telle construction technologique et économique ou encore se poser la question d’investir sur un actif si volatil, il n’en demeure pas moins que les opérations sur ces actifs sont des réalités économiques qu’il fallait encadrer. Il fallait également que les gains sur les opérations réalisées soient imposés.
Tellement « hors-système » et novateur, l’analyse juridique et fiscale s’établissait en comparaison de concepts ou de systèmes déjà existant.
L’administration fiscale a d’ailleurs été une des premières à apporter des éléments de réponse quant à l’appréciation juridique qu’il fallait retenir des crypto-monnaies. Elle en déduisait son régime fiscal.
Pour l’administration fiscale, les gains réalisés par les particuliers à l’occasion de la cession de “Bitcoins”, étaient :
- Soit imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) lorsqu’ils correspondent à une activité habituelle ;
- Soit imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC) dans le cas d’une activité occasionnelle.
En effet, le raisonnement de l’administration fiscale se fondait sur la nature particulièrement spéculative des crypto-monnaies et faisait le rapprochement avec un acte de commerce compris dans toute acquisition de biens meubles aux fins de les revendre.
Cependant, le Conseil d’État n’a pas retenu la même analyse.
Bon à savoir :
L’administration fiscale avait pu donner dans sa doctrine une définition assez fine de ce qu’est le « Bitcoin » : « le bitcoin est une unité de compte virtuelle stockée sur un support électronique permettant à une communauté d’utilisateurs d’échanger entre eux des biens et services sans recourir à une monnaie ayant cours légal. / Les bitcoins sont acquis soit gratuitement en contrepartie d’une participation au fonctionnement du système, soit à titre onéreux sur des plates-formes internet créées afin de permettre l’achat et la vente de bitcoins contre de la monnaie ayant cours légal. / L’émission du nombre de bitcoins étant limitée et déterminée, leur acquisition en vue de leur revente procède d’une intention spéculative. »
La Haute juridiction saisie de l’affaire concernant des opérations sur “Bitcoin” a estimé que ces actifs étaient des biens meubles incorporels. Le Conseil en déduisait que l’imposition devait relever du régime des plus-values sur biens meubles.
Dès lors, une cession occasionnelle de crypto-actifs relève du régime des plus-values mobilières.
Néanmoins, la position de l’administration fiscale n’était pas totalement rejetée. L’application du régime des BNC devant toujours s’appliquer à l’activité de “minage” (ndlr. l’activité de création de crypto-actifs). Le régime des BIC devait encore s’appliquer lorsque les plus-values de cessions d’actifs numériques sont habituelles.
Mais, en pratique, tout n’était pas réglé par cette jurisprudence du Conseil d’État.
Comment apprécier le caractère habituel des cessions d’actifs ?
La question a son importance car entre les deux régimes, la différence d’imposition peut être du double, et cela du simple fait que le portefeuille de crypto-actifs soit géré activement.
L’administration fiscale se contente d’indiquer qu’elle apprécie au cas par cas ce caractère habituel. Elle va notamment tenir compte des délais séparant les dates d’achat et de revente des crypto-actifs, du nombre vendus et des conditions de leur acquisition.
Avec cette position, l’administration fiscale ouvre la porte de sa propre subjectivité, de l’incertitude et donc du contentieux avec les contribuables. Certains constatent ainsi un défaut d’attractivité fiscale de la France pour les activités sur les crypto-actifs, et une raison de plus pour une expatriation fiscale.
La volonté du législateur : aligner la fiscalité des crypto-actifs sur celle des opérations de Bourse
Non satisfait de la jurisprudence du Conseil d’État et de l’appréciation que l’administration fiscale en a faite, le législateur a retenu dans la loi de Finances 2022 une nouvelle fiscalité pour les crypto-actifs.
D’une part, le contribuable qui effectue des opérations occasionnelles sur des crypto-actifs sera imposé au titre du prélèvement forfaitaire unique (PFU), et sera autorisé à opter chaque année pour l’application du barème progressif de l’impôt sur ses plus-values.
D’autre part, le contribuable qui effectue des opérations sur crypto-actifs sera imposé comme pour les gains réalisés par les contribuables qui se livrent à des opérations de Bourse à titre professionnel, donc au barème de l’impôt sur le revenu dans la catégorie BNC et aux prélèvements sociaux, sous déduction d’un abattement de 34 % (régime micro-BNC) ou des frais liés à l’activité (régime de la déclaration contrôlée).
L’article 70 de la loi de Finances 2022 créé en l’occurrence un article 92-2-1°bis dans le Code général des impôts qui prévoit l’imposition dans la catégorie des BNC :
« 1° bis Les produits des opérations d’achat, de vente et d’échange d’actifs numériques effectuées dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d’opérations. »
Ce nouvel aménagement de la fiscalité des crypto-actifs ne s’appliquera qu’aux cessions réalisées à compter du 1er janvier 2023.
Toute plus-value qui aura été générée dans l’année 2022 dans le cadre d’une cession d’un crypto-actif doit donc toujours être imposée dans la catégorie des BIC si l’opération est habituelle. Par contre, dès le 1er janvier 2023, ce sera la catégorie des BNC qui sera concernée.
La prévisibilité de cette mesure est certainement très utile pour un investisseur en crypto-actifs sur le long terme. Quant au spéculateur qui aurait fiscalement intérêt à bénéficier du régime des BNC, il pourra toujours décaler l’imposition en spéculant sur d’autres crypto-actifs (ex. par l’échange d’une crypto-monnaie comme le Bitcoin avec un NFT).
En cette matière nouvelle des crypto-actifs il reste prudent de se faire accompagner par des fiscalistes qui sont rompus à l’exercice d’analyse de la pratique de l’administration fiscale et de la prévision fiscale. En étant accompagné par un avocat fiscaliste vous serez conscient des choix fiscaux qui s’offrent à vous et donc prévenu du coût fiscal qui vient s’imputer sur vos gains.