Holding animatrice : une grille d’analyse se précise en jurisprudence

Publié le 3 Jan, 2023

C’est par un nouvel arrêt de la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 24 octobre 2022, n°21/00555) statuant sur un arrêt de renvoi de la Cour de cassation qu’apparaît une grille d’analyse pour apprécier la prépondérance de l’activité d’animation d’une holding (Lire notre article : De l’intérêt de la holding…).

Déjà, attachons nous à bien saisir le contexte de l’arrêt de la Cour d’appel pour en comprendre ses enjeux.

L’administration fiscale a contesté le bénéfice de l’exonération dite « Dutreil » pour une opération de donation de la nue-propriété des titres d’une holding mixte. Elle a pu considérer que l’activité développée était, à titre prépondérant une activité civile de gestion de valeurs mobilières, et donc non éligible au régime de faveur. Était donc refusée la qualification de holding animatrice.

La qualification de holding animatrice était ici fondamentale. Elle aurait permi d’obtenir le bénéfice de l’abattement de 75% sur les droits de mutation en cas de transmission à titre gratuit de titres de société ayant fait l’objet d’un engagement de conservation. C’est l’application de l’article 787 B du CGI, le « pacte Dutreil« , qui était visé dans l’affaire présentée devant la Cour.

Bon à savoir : l’anglicisme « holding » largement utilisé tant dans le monde des affaires que par les juristes désigne une société qui prend des participations financières dans d’autres sociétés – les filiales – et qui peut en diriger ou contrôler l’activité. Le terme français « société mère » peut le remplacer.

Les termes « holding animatrice », « holding mixte », « holding active », « holding impure » sont des synonymes qui s’opposent aux termes « holding patrimoniale, « holding passive » et « holding pure ».

Saisi de l’affaire les juges de la Cour d’appel de renvoi déclinent une grille d’analyse en deux temps pour déterminer la prépondérance de l’animation de la holding.

Critère prioritaire : le périmètre de l’animation et la valeur vénale des filiales animées

L’animation doit être effective et ce dans les filiales opérationnelles. C’est-à-dire qu’il faut pouvoir être en mesure de démontrer l’exercice d’un pouvoir de contrôle et d’orientation stratégique dans les filiales exerçant une activité industrielle, commerciale, agricole ou libérale.

Bon à savoir : ne sont pas prises en compte les participations minoritaires dans des filiales opérationnelles qui sont qualifiées « de nature purement financière ».

Néanmoins, la détention par une holding de participations minoritaire au capital de sociétés commerciales qu’elle n’anime pas n’est pas exclusive de la qualification de holding animatrice à la condition que la holding détient par ailleurs une ou plusieurs participations dans des filiales qu’elle anime.

La Cour vient en sus du caractère réel de l’animation ajouter qu’elle soit effective au moment de l’opération (la donation dans le cas de l’affaire jugée). En ce sens il ne pourra pas être retenu une animation pour des filiales animées mais qui n’ont pas ou plus d’activité.

Une fois les filiales réellement et effectivement animées cernées dans le groupe de sociétés, une évaluation se fait. Il est retenu que le caractère principal de l’activité d’animation du groupe est caractérisé lorsque la valeur vénale, au jour du fait générateur de l’imposition, des titres des filiales animées par la société holding représente plus de la moitié de l’actif total de la holding. En somme si la valeur vénale des participations dans les filiales retenues représentent moins de la moitié de l’actif total de la holding, le caractère principal de l’activité d’animation de la holding n’est pas déduit.

Nous retiendrons cependant que la Cour est très rigoriste quant à ce critère. Nous regretterons ici l’interprétation trop généraliste de ce critère d’animation qui pourra être retenu à la suite de cet arrêt. Le caractère animateur ne pourra s’appliquer que dans le cas où les filiales auraient une activité lancée, stabilisée voire rentable. En effet, la Cour a considéré que les filiales n’ayant pas atteint leur seuil de rentabilité car en phase de lancement ne peuvent être retenues dans le périmètre de l’animation (ces filiales ne possédant aucun actif, susceptible de receler une plus-value latente significative).

Pourquoi une telle rigueur ? Au contraire, il nous semble très pertinent d’affirmer que c’est dans la phase de démarrage de l’activité de la filiale que la holding (active) joue pleinement son rôle d’animatrice. C’est justement à ce moment qu’est définie et impulsée la stratégie de la filiale. En pratique il faudra donc être vigilant, certains redoutant une impossibilité pour une filiale d’être animée si elle débute son activité d’animation. La temporalité des opérations devra donc être surveillée.

À défaut de valider le critère prioritaire, il pourra être vérifié le critère subsidiaire.

Critère subsidiaire : la valeur vénale de tous les postes d’actifs affectés à l’animation

Dans ce second temps de l’analyse, il est question de déterminer si les autres actifs que déteint la holding (immobilisés ou circulants) sont affectés à l’activité d’animation. Tous les postes d’actif de la holding sont concernés afin d’effectuer un « calcul actualisé et pertinent de la part des actifs affectés à l’activité d’animation dans l’actif total« .

Comme précédemment c’est la valeur vénale qu’il faudra retenir au jour du fait générateur et non la valeur inscrite au bilan. Un travail d’évaluation et de retraitement des actifs est donc à réaliser.

Dans l’affaire jugée, la Cour a retenu les actifs suivants :

  • Un ensemble immobilier affecté à l’activité opérrationnelle de la une des filiales ;
  • Les créances rattachées à des participations ;
  • Un portefeuille de valeurs mobilières de placement.

La Cour de renvoi, après cette analyse réalisée, retient que la part des actifs de la holding affectée à son activité d’animation des filiales retenues dans le périmètre d’animation ne représente pas une part prépondérante – en principe plus de 50% – de son actif total et ne permet dès lors pas de caractériser et de qualifier la holding d’animatrice. La donation n’a donc pas été retenue comme éligible au régime d’exonération « Dutreil ».

Sur ce critère nous remarquerons qu’il est accepté d’adopter une analyse plus souple en ce que la prépondérance n’est pas nécessairement déduite d’un ratio de 50%.

comme le suggère le rapporteur public dans ses conclusions, le juge de l’impôt doit tenir compte des circonstances particulières et faire preuve de « bienveillance » lorsque les participations non animées sont le fruit de l’accumulation, dans la holding, des bénéfices issus de l’activité opérationnelle. Saluons ici une approche pragmatique et adaptée aux réalités économiques des entreprises, qui dépasse l’analyse simplement comptable. Les efforts devront donc être concentrés dans la démonstration précise, individuelle et historique du groupe au delà de la justification matérielle des preuves de l’animation.

L’intervention d’un avocat fiscaliste dès la création et tout le long des montages et opérations s’en trouve une nouvelle fois justifiée. Un avocat fiscaliste est indispensable pour réaliser et suivre un groupe de sociétés.

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