La prévention des difficultés : la procédure de conciliation (partie 2).

Procédure intermédiaire entre le mandat ad hoc – Lire notre article La prévention des difficultés : le mandat ad hoc (partie 1) et les procédures collectives – Lire notre article Le BA.B.A des entreprises en difficultés : intro., la procédure du conciliation permet de réunir autour d’un tiers conciliateur et , dans un cadre discret garanti par la confidentialité de la procédure, l’entreprise débitrice et ses créanciers aux fins de conclure un accord librement négocié pour sauver l’entreprise d’une situation difficile.

L’intérêt de ce mécanisme contractuel est d’encadrer, sous le contrôle du Tribunal, les engagements de l’entreprise débitrice et de ses créanciers.

L’entreprise demande ainsi au Président du Tribunal de nommer un conciliateur dont la mission principale est de rechercher un accord avec ses créanciers pour éviter, à tout le moins retarder l’engagement des poursuites pour défaut de règlement des créances.

En ce qui concerne les créanciers, ceux-ci bénéficient d’un accord dans lequel l’entreprise débitrice s’engage à régler leurs créances selon les termes négociés, et si l’accord est homologué, ils bénéficient du « privilège de conciliation » permettant d’être prioritaire en cas de procédure collective.

C’est nécessairement en dehors d’un cas de cessation de paiements que la procédure de conciliation peut être sollicitée par l’entreprise débitrice – Lire notre article Le B.A.B.A. des entreprises en difficultés : êtes vous en cessation des paiements ?

Bon à savoir.

Cette procédure est d’abord ouverte à toutes personnes physiques qui ont une activité commerciale ou artisanale et toutes les personnes morales qui, par leur forme ou par leur objet, ont un caractère commercial. Le bénéfice de la procédure de conciliation est également étendu à toute autre personne morale de droit privé, telle qu’une société civile immobilière ou professionnelle par exemple, voire même à une association ou encore toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, comme un professionnel libéral.

La requête en nomination d’un conciliateur.

La demande de nomination du conciliateur est faite par le dirigeant de l’entreprise débitrice ou la personne physique concernée sous la forme d’une requête auprès du Président du Tribunal compétent

Bon à savoir.

Personne d’autre que le dirigeant de l’entreprise concernée ou la personne physique concernée ne peut demander l’ouverture de la procédure de conciliation. L’initiative d’une telle demande est strictement personnelle et purement facultative si bien que ni un créancier ni un tiers intéressé tel qu’un associé ne peut demander la nomination d’un conciliateur dans le cadre de cet procédure.

Au-delà des mentions légales d’une requête judiciaire, la demande doit :

  • Présenter l’entreprise, son activité ou ses activités, ses effectifs, ses moyens matériels, ses contraintes structurelles (ex. bail commercial, contrats clients et fournisseurs, etc.) ;
  • Exposer le détail de sa comptabilité et notamment ses derniers chiffres d’affaires et résultats ;
  • Décrire sa situation financière et les problématiques qui y sont attachés (charges courantes d’exploitation, créances échues et à échoir, etc.) ;
  • Et, justifier de l’intérêt d’utiliser la voie de la conciliation en amont de l’ouverture d’une procédure collective.

En pratique, la requête a pour but de donner suffisamment d’informations au Président du Tribunal pour lui permettre d’apprécier complètement l’état passé et présent de l’entreprise concernée et d’envisager au mieux ses perspectives d’avenir.

Ainsi, la requête doit comporter les exposés indiqués ci-dessus au soutien desquels seront apporter les pièces justificatives suivantes :

  • L’extrait d’immatriculation aux registres ;
  • L’état des créances et des dettes, accompagné d’un échéancier ainsi que la liste des principaux créanciers ;
  • L’état actif et passif des sûretés ainsi que celui des engagements hors bilan ;
  • Les comptes annuels, le tableau de financement, ainsi que la situation de l’actif réalisable et disponible, valeurs d’exploitation exclues, et du passif exigible des trois derniers exercices, si ces documents ont été établis ;
  • L’attestation sur l’honneur certifiant l’absence de procédure de conciliation dans les trois mois précédant la date de la demande ;
  • L’état des cessions d’actifs immobilisés intervenues au cours des 18 derniers mois ;
  • L’état des inscriptions des privilèges et des protêts établi par le Greffe au jour de la requête ;
  • L’état de la répartition du capital social et la révélation éventuelle de l’existence d’un groupe de sociétés.

Bon à savoir.

Il n’est pas obligatoire d’indiquer le nom d’un conciliateur dans la requête. Le Président de la juridiction restant libre de nommer le conciliateur qu’il souhaite.. Il peut être néanmoins stratégique d’orienter le Tribunal.

L’appréciation des difficultés par le Président.

La démonstration est ici délicate : il faut exposer des difficultés qui ne relèvent pas d’un cas de cessation de paiements mais des difficultés suffisamment sérieuses pour inciter le Président à décider du recours à la conciliation.

Le Président joue d’ailleurs un rôle actif dans l’appréciation des difficultés de l’entreprise. Il peut ainsi :

  • Convoquer le chef d’entreprise pour recueillir ses explications et éventuellement lui demander des éléments complémentaires ;
  • Solliciter des tiers (ex. banque, comité social et économique, etc.) et des administrations la communication de tous les renseignements de nature à donner une information exacte sur la situation économique et financière de l’entreprise ;
  • Commettre tout expert permettant d’apprécier la situation patrimoniale de l’entreprise.

Après l’analyse du dossier le Président désignera un conciliateur et déterminera sa mission dont l’objet est de favoriser le fonctionnement de l’entreprise et de rechercher la conclusion d’un accord avec les créanciers.

Bon à savoir.

Le conciliateur est nommé pour une durée n’excédant pas quatre mois, mais qui peut être prorogée d’un mois au plus à sa demande. Si la nomination du conciliateur n’intervient pas dans le délai d’un mois à compter de la demande, celle-ci est réputée non admise.

La recherche de l’accord par le conciliateur.

Ainsi nommé le conciliateur prépare les négociations de l’accord en consultant les créanciers de l’entreprise lesquels sont libres de s’engager dans cette procédure.

En pratique le conciliateur fixe un calendrier de négociation au terme duquel le dirigeant de l’entreprise sera en mesure de présenter ses offres aux différents créanciers retenus et préciser les éléments essentiels de l’accord recherché.

Cet accord devra comporter deux volets :

  • Un volet général présentant les modalités de redressement de l’entreprise (restructuration du capital, vente du fonds de commerce, cession du bail commercial, etc.) ;
  • Et, un volet particulier qui précise les modalités de remboursement des créanciers concernés.

C’est dans ce dernier volet que seront donc précisés les exigences des créanciers et notamment les délais et remises accordés. Il sera également stipulé les éventuelles clauses négociées par chaque créancier :

  • Délivrance de documents ;
  • Retour à meilleure fortune ;
  • Condition(s) suspensive(s) ;
  • Condition résolutoire ;
  • Clause pénale ;
  • Garanties d’exécution ;
  • Etc.

Bon à savoir.

La conciliation n’aura d’intérêt que si un accord est trouvé avec les principaux créanciers et un créancier peut ne pas être invité à négocier si sa créance est considérée comme secondaire.

Il faut noter que dans le cadre de la conciliation et le temps de trouver l’accord, les créanciers qui ont instauré un dialogue avec le conciliateur ne sont pas interdit d’engager des poursuites.

En effet, l’ouverture de la procédure de conciliation n’entraîne pas la suspension des poursuites.

Néanmoins, un créancier pourtant favorable à la négociation qui engagerait des poursuites ou mettrait en demeure l’entreprise débitrice pourrait aisément se voir opposer une demande judiciaire en délai de paiement par le débiteur.

Attention : ce n’est qu’une fois que l’accord écrit est définitivement signé par les créanciers que l’ensemble des parties sont engagées. Un créancier peut tout à fait mener des négociations pendant le délai et ne pas signer l’accord.

Si ce créancier est très important la procédure tout entière est remise en cause.

Notre avis.

Une telle situation n’est pas de nature à conforter la procédure de conciliation en elle-même étant donné qu’un créancier peut jouer un « double jeu » de manière à assurer ses arrières tout en disposant de l’opportunité d’empêcher la réussite des négociations.

Faut-il faire homologuer l’accord ?

L’accord qui aurait été trouvé entre le créancier et l’entreprise débitrice est susceptible d’être homologué par le Tribunal.

Certains créanciers peuvent en effet conditionner leurs engagements à cette homologation dont tout l’intérêt est de donner le plus de poids possible à l’accord mais surtout c’est un gage de sécurité juridique.

En effet, le jugement d’homologation donne force exécutoire à l’accord. Un créancier pourrait donc tirer toutes les conséquences d’un défaut d’exécution de l’entreprise débitrice et ainsi se prévaloir en justice de l’accord homologué.

L’efficacité de l’accord trouvé dans le cadre de la procédure de conciliation serait donc pleinement assuré, du moins sur le plan théorique.

S’ajoute, et l’avantage est de taille, que l’accord homologué permet aux créanciers de bénéficier du « privilège de conciliation » dans le cadre d’éventuelles procédures collectives.

Les créanciers à l’accord seraient ainsi prioritaires dans le règlement des créances, en tout cas par rapport aux créanciers chirographaires.

Bon à savoir.

Alors que ce n’est pas obligatoire d’informer le comité social et économique d’une demande et d’une ouverture de la procédure de conciliation, il y a l’obligation de le faire pour la demande d’homologation de l’accord. Ceci étant dans certains cas, il peut être stratégique d’informer le comité social et économique dès la décision prise d’avoir recours à la procédure de conciliation.

Le Tribunal ainsi saisi statuera en faveur d’une homologation et ce dans le cadre d’une audience en chambre du conseil dès lors qu’il aura vérifié que :

  • L’entreprise débitrice n’est pas en état de cessation des paiements ;
  • L’accord objet de l’homologation est de nature à assurer la pérennité de l’activité de l’entreprise ;
  • L’accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers qui ne sont pas concernés par la procédure ;
  • L’absence de contrariété à l’ordre public ;
  • Les parties ont toutes apposé leurs signatures.

Le jugement portant homologation de l’accord devra cependant être déposé au Greffe et publié au BODACC ainsi que dans un journal d’annonces légales.

Le jugement ne reprenant pas les termes de l’accord, la confidentialité de la procédure est partiellement respectée. Néanmoins, cela laisse la possibilité d’une tierce-opposition et fait donc courir un risque de remise en cause de l’accord obtenu.

Si les parties souhaitent éviter ce risque et donc la publicité de l’homologation de leur accord elles ont cependant la possibilité de saisir, par une requête conjointe (donc signée par tous les créanciers), le Président du Tribunal et de lui demander de constater l’accord.

Cette décision, qui donne à l’accord amiable force exécutoire, n’est pas soumise à publication et n’est pas susceptible de recours.

L’accord constaté produit les effets d’un jugement d’homologation à la différence très notable que les créanciers ne bénéficient pas du « privilège de conciliation ». 

Ce dernier inconvénient majeur pour les créanciers n’est pas de nature à les persuader de l’intérêt de simplement faire constater l’accord.

Tout considéré, les créanciers peuvent se révéler méfiants, au moins très précautionneux à l’idée de s’engager dans une conciliation.

Le débiteur doit donc redoubler d’efforts pour convaincre ses créanciers avant de pouvoir obtenir un accord qui lui soit favorable. 

L’accompagnement par un professionnel du droit capable d’élaborer une requête et d’assister dans les phases de négociation est donc amplement justifier en la matière et pour ne pas rater le bénéfice d’un accord favorable à une continuité d’activité financièrement stable.

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