La prévention des difficultés : le mandat ad hoc (partie 1).

Publié le 1 Août, 2020

Né de la pratique des Tribunaux de commerce, le mandat ad hoc est un mécanisme judiciaire souple souvent utilisé par les professionnels de la matière des entreprises en difficultés.

En effet, face à une situation de crise et de difficultés sérieuses de gestion, le dirigeant d’entreprise peut juger utile d’avoir recours à un mandataire ad hoc avant d’ouvrir une procédure collective – Lire notre article Le BA.B.A des entreprises en difficultés : intro.

L’intérêt du mandat ad hoc est triple pour les dirigeants ou les associés d’une société :

  • Un tiers professionnels se place aux côtés des parties pour réorienter la gestion ;
  • L’entreprise est placée sous la surveillance du Tribunal de commerce dans la forme d’un contrôle judiciaire allégé ;
  • Préparer la mise en place d’autre procédure de prévention plus encadrée ou encore l’ouverture d’une procédure collective.

Ce n’est qu’aux termes de l’article L. 611-3 du Code de commerce qu’est mentionné ce mécanisme qui autorise le Président du Tribunal de commerce, à la demande d’un débiteur, de désigner un mandataire ad hoc dont il détermine la mission.

Sans autre précision législative ni règlementation particulière, le mandat ad hoc conserve toute sa souplesse issue de la pratique avec pour objectif de laisser la main aux différents intervenants.

Mais attention à ne pas tomber dans la facilité. L’intervention d’un mandataire ad hoc est une étape importante et susceptible de perturber la gestion d’une entreprise. 

Les chefs d’entreprise doivent redoubler de vigilance pour ne pas subir un échec de la mesure.

La mission du mandataire.

La mission peut être extrêmement variée et ce sont les circonstances rencontrées par l’entreprise qui vont dicter son contenu pour rendre le mandat ad hoc adapté à la situation.

Un mandataire ad hoc pourra donc être désigné pour assister les dirigeants lors d’un conflit d’associés, ou faire face à des difficultés avec un banquier, un fournisseurs ou encore pour concilier des intérêts divergents au sein de la société.

Le mandataire pourra aussi être désigné pour procéder à la réalisation d’une restructuration interne, surveiller la bonne exécution d’un protocole transactionnel ou encore accomplir toutes démarches utiles pour engager des négociations avec un créancier désigné.

Par contre, un mandataire ad hoc n’a jamais pour mission de se substituer à un dirigeant pour gérer et administrer l’entreprise.

Bon à savoir.

Qui peut être désigné mandataire ad hoc ? C’est en règle générale un administrateur judiciaire qui est désigné pour exercer cette fonction mais d’autres professionnels peuvent théoriquement être désignés. 

Aucun délai n’est prévu par la loi pour encadrer dans le temps le mandat ad hoc.

Néanmoins la pratique des Présidents des Tribunaux de commerce fixent souvent un délai de fin de mission court allant de 3 à 6 mois, renouvelable. 

L’objectif est ici d’inciter les parties intervenantes à réaliser les actions nécessaires et utiles dans un temps assez réduit et permettre un dénouement rapide.


A l’issue de ce délai et sauf prorogation, le mandataire ad hoc sera tenu de remettre un rapport pour éclairer le tribunal sur les avancées réalisées et conclure sur la situation.

Bien rédiger la requête de désignation.

Certains n’y voient qu’une formalité. Ce n’est pas le cas en réalité et dans la matière des entreprises en difficultés rien ne doit être pris à la légère car cela peut avoir de lourdes conséquences par la suite.

La finalité de la requête de désignation est de convaincre le Président du Tribunal de commerce que la désignation d’un tiers à l’entreprise pourrait permettre de résoudre des difficultés.

La requête présentera d’abord l’entreprise concernée dans ses principales caractéristiques :

  • Activité ;
  • Emplois ;
  • Chiffre d’affaires ;
  • Résultats ;
  • Structuration juridique ;
  • Perspectives économiques.

Puis, la requête contiendra un exposé détaillé des difficultés rencontrées, qu’elles soient financières ou non, lesquelles justifient la nomination d’un mandataire ad hoc pour lequel sera soumis un projet de mission.

Bon à savoir.

Dans la requête il est souvent proposé le nom du mandataire ad hoc souhaité sans que cela ne lie le Président du Tribunal de commerce.

Jusque-là rien de compliqué.

Cependant, une requête en désignation d’un mandataire ad hoc n’a rien d’anodin et révèle souvent des difficultés graves dans la structuration interne ou sur la situation financière de l’entreprise.

Et il n’y aura de succès du mandat ad hoc qu’uniquement si tous les intervenants sont conscients de tous les risques et enjeux qui pèsent sur le dossier.

En pratique, l’échec de cette procédure est souvent constaté en raison d’un dossier qui n’est pas nécessairement bien maîtrisé de tous, voire même pris au sérieux.  

C’est la raison pour laquelle il est très recommandé de soigner la requête en désignation et d’être proactif dans la demande et le suivi pour éviter l’inertie d’un contrôle judiciaire simple et laissé à la subjectivité de chacun.

Ainsi, dans notre pratique nous joignons à la requête de désignation d’un mandataire ad hoc les éléments suivants :

  • Un plan de financement prévisionnel et un compte de résultat prévisionnel ;
  • L’état des créances et des dettes accompagné d’un échéancier ainsi que la liste des principaux créanciers ;
  • L’état actif et passif des sûretés ainsi que celui des engagements hors bilan ;
  • Les comptes annuels ;
  • Le tableau de financement ainsi que la situation de l’actif réalisable et disponible ;
  • Les valeurs d’exploitation exclues et du passif exigible des trois derniers exercices ;
  • Un état des cessions d’actifs immobilisés intervenus au cours des dix-huit derniers mois ;
  • Un état des inscriptions de privilèges et des protêts établi par le greffe au jour de la requête ;
  • Un extrait du registre du commerce du requérant (moins de trois mois) ;
  • Un état de cession des actifs immobilisés, réalisés dans les dix-huit derniers mois.

Bon à savoir.

L’ouverture d’un mandat ad hoc est incompatible avec un état de cessation de paiement – Lire notre article Le B.A.B.A. des entreprises en difficultés : êtes vous en cessation des paiements ?

De cette manière rien n’est laissé au hasard ni à la subjectivité des intervenants. Une requête bien construite permet de donner au Président et en conséquence au mandataire ad hoc désigné une information précise et suffisante pour mener à bien le mandat.

Dans cette matière, c’est la précision financière et juridique qui peut permettre d’aboutir à un succès du mandat ad hoc. Une vision croisée en droit des affaires et droit social avec des compétences financières est un atout pour celui qui demande l’ouverture d’une telle procédure.

Rassurez-vous en cas en cas d’échec du mandat ad hoc. Tout ce travail important en termes d’étude du dossier ne sera pas fait pour rien car une autre procédure de prévention peut être engagée ou l’ouverture d’une procédure collective sera ordonnée.

Toujours surveiller la confidentialité du mandat.

La réussite d’une mesure de prévention des difficultés telle que le mandat ad hoc tient également au respect de la confidentialité si importante dans la matière des entreprises en difficultés.


Quoi de pire pour une société et son image vis-à-vis de ses clients et partenaires que de voir ses difficultés internes tel un conflit d’associés ou le règlement d’un différend avec un fournisseur exposées au grand jour.

Nous ne le rappellerons jamais assez : la confidentialité est un élément essentiel tant pour l’entreprise concernée que ses créanciers, lesquels ont aussi tout intérêt à garder secret d’éventuelles concessions.

Et pourtant certains prennent l’engagement pris devant le mandataire ad hoc avec légèreté.

Or, une violation de la confidentialité d’un mandat ad hoc constitue un trouble manifestement illicite susceptible d’engager la responsabilité civile de son auteur et possiblement sa condamnation à verser des dommages et intérêts.

Bon à savoir.

Seul le Président du Tribunal aurait la faculté de lever la confidentialité du mandat dès lors que cela est justifié dans un intérêt légitime et à la demande d’une des parties engagée à la confidentialité.

La règle de la confidentialité est si forte que même le comité social et économique – Lire notre article Comité Social et Économique : nouveau décret en date du 30 décembre 2019 – n’est pas un organe auquel il est obligatoire de fournir l’information de la désignation d’un mandataire ad hoc.

Pour autant qu’utile, une telle mesure n’est pas de nature à nécessairement servir les intérêts de l’entreprise.

Il n’est pas certain que les accords susceptibles d’intervenir dans le cadre du mandat ad hoc n’imposent pas une intervention du CSE, notamment lorsque ces accords auraient des effets sur les emplois ou les conditions de travail.

Dès lors que ce serait le cas, il serait opportun d’inviter le CSE à la table des négociations, à tout le moins de recueillir son avis sur les mesures et actions envisager, de sorte à maintenir le dialogue social et à envisager une restructuration plus sereinement d’un point de vue social.

Cette absence d’obligation d’informer le CSE est également présente dans le cas d’une procédure de conciliation qui est une autre procédure de prévention des difficultés tel que le mandat ad hoc.

Cette fois prévue par le législateur dans son détail nous vous en présenterons les principaux éléments dans notre prochain article sur le thème de la prévention des difficultés.

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